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    << le retour


    Elle huma l’air ambiant Quand elle pénétra dans l’entrée, l’escalier en colimaçon qui montant au centre de l’immeuble résonnait toujours de la même façon, et il y régnait toujours la même odeur.
    Chacune des trois barres des Y accueillaient deux appartements l’un au dessus de l’autre. Celui ou elle se rendait, était au dessus. Elle s’arrêta un instant sur le palier. Se dirigea vers son ancien logement, vérifia le nom sur la première porte, une porte battante ; trois noms y étaient inscrits, celui de son amie, un autre qu’elle ne connaissait pas, et… le sien. Ainsi, Sacha avait laissé son nom sur la porte d’entrée, comme si cet appartement n’avait jamais cessé d’être en partie le sien. Elle en ressentie une profonde reconnaissance. Elle poussa la porte et entra dans le petit sas d’entrée. Et tendit son doigt vers la sonnette de la deuxième porte.
    Une sonnerie ; une porte qui s’ouvre, Sacha immobile, et enfin…
    _EEELLIIIIE !!!! Ellie, ma chérie ! Comment vas-tu ? Je suis si désolée de n’avoir pas pu venir te chercher. Un empêchement tu comprends, et puis j’ai préféré t’attendre, que d’essayer de t’attraper au vol, je ne voulais pas que tu te casse le nez sur la porte… 
    Elle voulait dire : frapper à une porte sans personne derrière.
    Elle non plus n’avait pas changé, elle parlait toujours autant, toujours aussi vite et toujours avec des images…
    -Entre entre ! Tu as dormi ? Tu as mangé ? Assieds-toi ! Tu veux boire quelque chose ?
    …Et pas le temps de répondre… 
    En l’espace de quelques secondes, Ellie se retrouva assise, un verre de jus de fruit dans une main, une part de gâteau dans l’autre, s’était entendu dire au moins cinquante fois à quel point son retour faisait plaisir, et s’était entendu proposer au moins une vingtaine de choses, allant du chewing-gum au bain chaud. Elle accepta volontiers le second.
    Elle s’éternisa dans l’eau, jusqu’à ce qu’elle soit froide, ce qui la réveilla, et l’obligea à mettre un terme à cet instant de plaisir enfin retrouvé.
    Quand elle sortie de la salle de bain, enveloppée dans un immense et confortable peignoir de bain, Sacha s’était calmée.
    Et son excitation passé laissait place à un air triste et désolé.
    -Tu sais Ellie, je peux te dépanner quelques temps, mais tu sais... après ton… Enfin je veux dire, Après qu’ils t’aient…Enfin quand tu…
    -Sacha, je t’en pris, dis-le. Tu n’y es pour rien.
    -Tu sais, pour l’appartement, toute seule, je ne pouvais pas m’en sortir avec mon seul salaire, alors, j’ai pris quelqu’un d’autre. Et maintenant...
    -Je t’en pris, arrête. Je comprends tout à fait Et ne t’inquiète pas pour moi. Je ne suis pas à la rue. J’ai un emploi avec logement, alors ne te sens pas coupable.
    -C’est un peu comme si je me débarrassais de toi ;
    -Tu va cessez de dire des bêtises. Je ne te reconnais pas.
    -J’avais souhaité qu’un jour on aurait pu reprendre notre vie d’avant. Et aussi la place que la Réhab t’a donnée n’est vraiment pas géniale.
    -Ne dis pas ça, je suis sûr que ça va me plaire.
    - Quand on s’en persuade… répondit son amie d’un air désabusé.
    Elles discutèrent longtemps de tout et de rien, de leur souvenir, de l’avenir.
    Sacha dû la laisser pour se rendre à son travail, elle travaillait de nuit dans une boîte du genre qui n’ouvre que la nuit, dans une ville située à une trentaine de kilomètres. C’était bien payé, elle aimait bien sa nouvelle vie de noctambule. « On ne rencontre pas les même personnes, c’est différent » lui avait-elle dit. « C’est bien payé, et c’est une boîte très respectable, avec de beaux et jeunes gens riches » elle avait joint un clin d’œil à cette réflexion. « Ne va pas t’imaginer des choses hein ? Ce n’est pas un bouge sordide. »
    Depuis une bonne vingtaine d’années, il y avait autant de vie et de travail la nuit que le jour. Ainsi une société de noctambule était apparue petit à petit, diminuant le chômage. Ce qui expliquait le calme des rues la journée. Quoique les “boîtes de nuit” restaient ouvertes la journée, pour se transformer en « boîtes de jour » pour les gens qui travaillaient la nuit. Des journées ou des nuits de dix heures de travail.
    Si la plupart trouvaient ça très bien, d’autre par contre, s’angoissaient à l’idée que l’humanité ne se scinde en deux parties, les diurnes et les noctambule, qualifiant ceux-ci de Morlock., faisant allusion au roman d’HG Welles.
    Ça avait commencé dans les grandes villes avec les casinos, boites de nuits, et maisons de plaisir en tout genre celles-ci ayant été autorisées, malgré de multiples protestations. Il fallait reconnaître que tout ceci avait fourni du travail à pas mal de monde, donné de l’argent à dépenser et donc des emplois supplémentaires.

    Ellie s’allongea sur le canapé du salon, Lovée dans une couverture polaire. Elle avait insisté pour y dormir, bien que Sacha lui ai proposé sa propre chambre. Sacha avait cette particularité de ne jamais insister quand on lui refusait quelque chose. Ellébore voyait ça comme une qualité. Elle avait retrouvé avec plaisir son vieux pyjama, car Sacha avais soigneusement gardé toutes ses affaires. Le pyjama était devenu trop grands car elle avait beaucoup maigri, mais au moins, c’était le sien.

    Au dehors la nuit était tombée, et quelques flocons de neige éparts essayaient vainement d’attirer l’attention.
    Dans un demi-sommeil, elle entendait des voix : chuchotements de deux voix aux timbres amicaux. C’était rassurant, elle revenait dans le monde normal. Elle se laissa bercer longtemps au son de ces deux voix ne parvenant pas à trouver un vrai sommeil ...

     

    ****
     


    Un bruit sec la réveilla.
    Elle se redressa à demi. Quelqu’un ouvrait la porte. Ce ne pouvait pas être Sacha, elle lui avait dit qu’elle ne rentrerait qu’au matin.
    Un couple se débarrassait de ses vêtements chauds dans le vestibule : Un jeune homme, pestant contre le froid et la neige à renforts de termes à la limite du juron. Et une autre personne, plus âgé, la trentaine peut être, à la beauté androgyne, et à la peau presque noire.
    -Oh Bonjour Ellie. Vous êtes Ellie n’est-ce pas ? C’était plus une affirmation qu’une question.
    Même la voix ne laissait deviner s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme.
    -Moi je suis Ambre. Enfin, Ambroise Je déteste ce nom, alors mes amis m’appellent Ambre.
    Il tendit la main vers elle. Une poignée de main chaleureuse, mais glacée à cause du froid.
    -Et le jeune homme qui s’ébroue dans l’entrée, c’est Alcide. Qui se joindra à nous quand il aura fini sa danse du feu.
    Celui-ci adressa en direction d’Ambre un regard accompagné d’un faut sourire qui montraient toute l’appréciation de la remarque.
    Si elle avait encore su, elle aurait pu en rire.
    -Vous êtes libre, j’en suis ravi. Je vois que notre ami à fait un excellent travail.
    -Ambre ! Le repris le dénommé Alcide, comme s’il avait commis un imper.
    Ambre se retourna vivement vers lui et le toisa du regard comme s’il lui avait manqué de respect.
    Celui-ci sembla se tasser, comme un enfant pris en faute.
    -Vous avez payé mon avocat ? Souffla Ellie.
    -Non, j’ai seulement soumis à l’ami d’un ami, le cas de l’amie d’une amie, rien de plus. Il a dû je pense vous l’expliquer ?
    -Euh pas vraiment non.
    Alcide s’approcha pour saluer Ellie et dit en guise de bonjour :
    -La vache, on se les gèle dehors.
    -Tu l’as dit au moins cent fois lui fit remarque Ambre, arrête un peu tu veux bien ? Tu en fais trop ;
    -Tu crois,
    -Certainement.
    Cette conversation entre les nouveaux venus stoppa net les exubérances du jeune homme qui sembla d’un coup ne plus avoir froid du tout. Il changea même totalement de comportement, et devint quasiment impassible.
    -Vous voulez boire ou manger quelque chose ? Demanda Ellie, ne sachant trop quoi dire
    Les deux refusèrent quoique se soit. L’heure tardive n’était certes pas l’heure idéale pour un en-cas, pourtant, après les plaintes répétées du plus jeune, il aurait été logique qu’il prenne au moins une boisson chaude. Elle se senti stupide d’une telle proposition, étant donné que l’un des deux vivait forcement ici. Puisqu’ils avaient la clé et que Sacha partageait son appartement.
    Puis un malaise s’installa, les deux “ visiteurs’’ n’avaient pas l’air de vouloir tenir la conversation. Ils s’assirent sur les fauteuils face au canapé et ne bougèrent pratiquement plus. Il lui sembla même qu’ils communiquaient en silence, s’échangeant des regards de temps à autres. Cela ne dura peut être que quelques seconde, au plus une petite minute, mais ça suffit pour la mettre mal à l’aise.
    -Vous habitez ici depuis longtemps, demanda-t-elle, plus pour relancer la conversation que par curiosité.
    Ambre lui fit penser à un automate qui se remet en marche, il répondit qu’il habitait avec Sacha depuis un peu plus d’un an , et qu’Alcide les avait rejoints depuis seulement six mois. Elle ne chercha pas vraiment à savoir qui dormait avec qui, elle estimait que cela ne la regardait pas. Pourtant Ambre ajouta :
    - Nous partageons la même chambre Alcide et moi, et Sacha a sa chambre à elle. Mais j’y pense, notre chambre devait être la votre avant votre … mésaventure. Il serait normal que vous la récupériez.
    Elle n’eut pas le temps de protester, qu’Alcide s’était levé du fauteuil, comme s’il obéissait à un ordre, et la prit dans ses bras, enroulée dans la couverture. Il la transporta jusqu’à son ancienne chambre et la mit au lit, Ambre l’avait rejoint et ils entreprirent de la border consciencieusement.
    Ambre lui caressa le front :
    - Il faut dormir ma jolie, tu es épuisée.
    Sa voix résonnait bizarrement à se oreilles.

    Ils sortirent de la chambre. Alcide en dernier. Il ferma la porte lentement sans la quitter du regard. Ellie dormait déjà avant que la porte ne soit complètement fermée.


     

    à suivre >> Quelle drôle d'ambition





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