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    < Cauchemars

    Encore une fois, c’est la faim qui la réveilla. Le bain trop chaud l’avait rendu léthargique. Même la douche froide qu’elle prit avant de sortir de la baignoire ne la sortit pas de cet état. Elle prit tout juste le temps de se sécher avant de se jeter sur le frigo, où elle savait quelle trouverait de quoi satisfaire la faim qui lui tordait le ventre la seule chose qui lui faisait envie : de la viande crue. Pendant qu’elle dévorait son étrange repas, elle avait l’impression qu’on l’observait, qu’il y avait quelqu’un d’autre dans la pièce. En fait cette impression elle la ressentait souvent ces derniers temps, très souvent.
    Soit elle se faisait des idées, soit cet endroit était malsain, de toutes façons, elle ne voulait plus y rester. Elle rassembla un maigre paquet de ses affaires, quelques vêtements seulement. Tant pis pour le reste, rien n’avait de valeur sentimentale.
    Une fois en bas des escaliers, elle se rappela que la nuit précédente, elle n’avait pas retrouvé la clé. Elle posa sa main sur la poignée de la porte, puis lentement, dans un état d’angoisse et d’espoir mélangé, elle l’actionna… Verrouillée !
    Elle la secoua, la poussant de tout son corps. Elle était prisonnière.
    -Pourquoi veux-tu nous quitter Ellie ? Où Pourrais-tu aller ?
    La voix venait des escaliers.
    -Ludgor ? Mais comment…
    -Comment je suis arrivé là ? J’étais tout simplement là haut, il m’a suffit simplement de descendre l’escalier.
    -Mais… mais il n’y avait personne là-haut, j’étais seule.
    -Ça fait des jours que l’on t’observe, sans que tu t’en aperçoives. Depuis ton arrivée ici en fait.
    -Mais comment…
    -Ça, c’est un de nos… comment dire…?
    -j’emploierais le terme de privilège, c’est comme ça que je le ressens.
    Raoul venait d’apparaître en haut de l’escalier.
    -On est présent, mais l’autre ne le sait pas, c’est très agréable, tu verras.
    -Épargne-toi la peine de nous dire que tu ne comprends pas, lui dit Ludgor, on s’en doute. Et puis, ajout-t-il en s’approchant-d-elle, on va tout t’expliquer.
    Il posa une main sur son épaule, ouvrit la porte de l’appartement, et, gentiment, d’un geste de la main,l’invita à entrer.


    ***** 


    Assis sur le canapé, Raoul la maintenait contre lui, fermement, mais avec tendresse.
    Essayant de calmer la crise de larmes où elle s'était réfugiée.
    Depuis de longues, très longues minutes, Ludgor installé en face d’eux continuait d’expliquer avec une patience dévouée, quelle était leur véritable nature.
    -…Nous sommes juste un peu différents, c’est tout, nous vivons très vieux, très très vieux. Nous avons, comme dit Raoul, de nombreux, privilèges. Nous savons faire ignorer notre présence à une personne qui se trouve juste à coté de nous, tu en a fais l’expérience, quand tu étais dans la pièce secrète à admirer nos anciennes affaires, j’étais là.
    -Le tableau, les photos, tout est authentique, réel, d’époque. Précisa Raoul. Et celui que tu as pris pour une photo de mon arrière grand père, et bien c’était moi.
    -…
    Ludgor continua :
    - Nous pouvons aussi influencer la pensée d’une personne, lui faire oublier un fait, ou une personne. Dis-moi, depuis combien de temps n’as-tu pas pensé à ton amie Sacha ?
    « Sacha »
    -Sacha !
    -Il faut désormais que tu sache que c’est un peu grâce à elle si tu es ici aujourd’hui. C’est une des nôtres. Alcide l’a initiée pendant ton… absence. Et elle a fait en sorte qu’on puisse te cueillir sans difficulté.
    Ellie n’eut pas le temps de réagir, de répondre ou d’encaisser la révélation qu’il venait de lui faire.
    « Sacha, ça ne peut par être vrai ! Pas toi ! »
    -Nous pouvons aussi projeter notre esprit dans le corps d’un animal. Un chat par exemple, les chats sont très réceptifs et accepte volontiers le partage. »
    Elle se rappela, du chat noir et blanc, installé sur le rebord de la fenêtre qui semblait l’observer, ronronnant les yeux mis clos chaque fois qu’elle elle prenait son bain.
    «-Nous pouvons lire dans les pensées, et le chat, et bien, c’était Raoul
    - Tu verras, Lui dit Raoul, Comme c’est fabuleux de partager le corps d’une bête en particulier un chat. Leur souplesse est extraordinaire, pourvoir sauter de plusieurs fois sa taille… c’est merveilleux, et si simple, il suffit de fermer les yeux, de focaliser son esprit sur le corps de l’animal, et d’y transférer son âme. Le corps semble dormir, mais nous ne sommes plus que l’animal et pour un temps, nous ne faisons plus qu’un.
    -Et pour Sacha Ajouta Ludgor, c’est la stricte vérité, elle a été initiée pendant tes deux années d’infortune. Précisa-t-il sans transition. Avant de continuer :
    -Notre origine se perd dans la nuit des temps, pour éviter le cliché. Autrefois j’étais inquisiteur, précision pour te donné une idée de mon âge. J’ai été initié à cette époque, par une femme de notre groupe d’amis. La femme d’Elgar pour être précis. Une fois initiés nous ne sommes plus humains même si nous faisons toujours partie de leur monde. Nous vivons vieux, très vieux nous pouvons être immortels si nous le souhaitons, notre salive à des pouvoir de guérisons, elle nous sert à endormir la peau avant de la mordre. Et nous avons des dons inespérés : lire dans les pensées, entrer son esprit dans le corps d’un animal, se rendre quasi invisible, et bien d’autres…
    Elle voulu répondre quelque chose, Ludgor l’en empêcha.
    « -Tais-toi ! Je sais ce que tu va dire. Que c’est-il passé lors de la soirée ? Nous n’avons fais que prendre un peu de ton sang, chacun d’entre nous, pour créer un lien avec tout le groupe.
    Elle repensa aux voix qu'elle avaient entendu dans ce qu'elle pensait n'être qu'un rêve. Ces voix, ces images et ces bruits d'un passé lointain n'étaient que des souvenirs du groupe,

    Ce soir là, tu n’es jamais tombée dans l’escalier, et je ne t’ai injecté aucun médicament. Tu as bu du sang toute la soirée, mon sang en majorité, et un peu de chacun de tout le groupe, tu es la seule à avoir cru que c’était de la liqueur de fruits rouge.
    -…
    Joignant le geste à la parole, il ajouta :
    -Je t’ai tordu le genou, pour que tu croies à notre version, c’est tout…
    Puis, il reprit ses premières explications
    -… MAIS… tout ceci à un prix : nous craignons le soleil, nos organismes tolèrent difficilement la nourriture des humains. Nous avons besoin de sang humain, pour garder notre longévité, et nos dons. Si on arrête de se “nourrir” on vieilli en quelques courtes années voir en quelque mois, et notre vie s'arrête.
    - Vous tuez des gens ! Vous m’avez fais boire du sang ! Vous êtes une secte, vous êtes des malades, rien n’est vrai dans ce que vous dite.Vous êtes complètement cinglés .
    -Essaie de ne pas parler, lui demanda-il sur un ton indulgent indulgent, tu pleures tellement qu’on a du mal à te comprendre. Je ne t’ai dis que la stricte vérité. Et puis nous ne tuons que des gens qui ne méritent pas de vivre. Débarrasser le monde de sa lie, tel est la loi de notre clan.
    Elle essaya de se lever, elle voulait être loin d’ici. Pourtant, elle savait que c’était impossible. Raoul resserra son étreinte et déposa un baisé sur ses cheveux.
    -Ensuite, continua Ludgor reprenant sans aucune transition le récit de sa propre expérience : j’ai rencontré Raoul, enfin, Jérôme, c’est ainsi que je l’appelais, à l’époque. Ce jeune chenapan c’était introduit chez moi dans le but de me voler. A l’époque je manquais de compagnie, alors je l’ai pris sous mon aile, comme on dit. Puis quelques années plus tard, il a faillit mourir, je tenais à lui, malheureusement, il était beaucoup trop jeune pour être l’un des notre. Je lui ai sauvé la vie en lui faisait boire de mon sang, ce qui a ralentit son vieillissement sans en faire l’un des nôtres. Mais maintenant, s’il n’est pas initié pour de bon, il va mourir. L’ennui c’est que je ne peux pas le faire moi-même. Notre nature nous interdit formellement d’initier une personne du même sexe. C’est une femme qui m’a initié, et je ne peux initier qu’une femme. C’est ainsi ! Il me faut initier une femme, pour qu’elle initie Raoul à son tour.
    -Pourquoi vous ne prenez pas une autre femme de votre groupe de tarés ?
    -Aucune n’est libre. Et nous ne somme pas fous.
    -Pourquoi moi?gémit-elle.
    -J’étais sûr que tu allais dire ça. Parce que c’est notre choix, celui de Raoul, le miens, avec l’aval du groupe. Le Choix, c’est très important. Tu es la première, qui conviens, ça a été long, pour te trouver, trop long, nous t’attendons depuis trop longtemps. Dès que nous avons eu connaissance de toi, nous avons su que tu étais celle qu’il nous fallait. Le Choix du filleul est d’une importance capitale, mû par un instinct qui obéît aux seules lois de la nature. Et toi tu n’a pas le choix. Nous ne pouvons pas attendre, une autre occasion, une autre femelle qui accepterait. Sinon Raoul va mourir.
    Elle n'écoutait plus, tout son corps tremblait au point de la faire souffrir, et elle crevait de froid.
    -Qu’est-ce qu'il m'arrive? J’ai l’impression d’être une droguée en manque!
    -Je te l’ai dit, pourquoi ne m’écoute-tu pas? Tu es bien en manque, mais pas de drogue.
    Espérant qu’il contredirait son affreux doute elle demanda:
    - Le chocolat, c’était quoi?
    -La réponse ne va pas te plaire. Mais tu la connais déjà. Tu souffre, je le sais, je le sens. Laisse-moi apaiser ta douleur.
    -Non.
    Ludgor vînt s’asseoir à coté d’elle, mordit sa propre main jusqu’au sang…
    -Non.
    -Tu en as besoin, et tu le sais. Il approcha sa main de la bouche d’Ellie…
    -Non, non.
    …et déposa la blessure sur ses lèvres. Elle n’eut aucune réaction, ni de refus, ni de dégoût. Elle connaissait la vérité, elle s’y résigna, presque soulagée, à moins que ce ne soit encore à cause de l’un de leurs privilèges dont il venait de lui parler.

    Raoul la prit dans ses bras tout contre lui, lui mis la tête sur son épaule. Tout en la caressant, il lui passa les cheveux derrière l’oreille afin de lui dégager le cou.
    Elle s’abandonna résignée, et confiante dans ses bras. Lui aussi était une victime après tout.
    D’une main il lui tînt la tête, de l’autre il l’enlaça pour lui tenir les bras. Elle cru faire un rêve dont elle ne pouvait se réveiller.
    Il lui chuchota à l’oreille.
    -Tu voulais vivre centenaire, tu vivras beaucoup plus. Et pourtant, tu ne deviendra ni sénile, ni impotente. Tu regrettes de ne pas avoir vécu au siècle des grandes inventions, tu verras toutes les autres.
    -Tu ne ressentiras aucune douleur, lui chuchota Ludgor à son oreille. C’est strictement défendu, c’est contraire aux lois du clan…
    Elle poussa un petit cri étouffé, quand il la lécha le long de la carotide, et la base du coup. Raoul resserra en douceur son étreinte.
    -…Et puis, la douleur donne un mauvais goût au sang, ajout-t-il avant de mordre.

     

     

     

    à suivre >>Épilogue





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